Mon expĂ©rience d’Ă©tudiant

En tant qu’étudiant, j’ai eu l’occasion de travailler sur de nombreux projets avec divers superviseurs. Certains m’ont passionné, d’autres un peu moins.

Voici mes expériences et les leçons que j’ai tirées sur la supervision d’étudiants.

Pendant ma thèse de licence, je suis allĂ© Ă  Munich, en Allemagne. Sur le papier, le projet semblait idĂ©al. Je devais apprendre une variĂ©tĂ© de techniques, comme la microscopie Ă  deux photons, la coupe de cerveaux (aussi Ă©trange que cela puisse paraĂ®tre si tu n’es pas du domaine…), mener des expĂ©riences comportementales, et bien plus encore. Je me rappelle encore en parler Ă  mes proches, m’imaginant faire de grandes dĂ©couvertes scientifiques (peut-ĂŞtre qu’apprendre plus tĂ´t ce qu’est rĂ©ellement le monde de la recherche serait un atout pour les Ă©tudiants). Mais Ă  mon arrivĂ©e au laboratoire, le PI m’a dit : « Tu vas passer les trois prochains mois devant un ordinateur Ă  compter des Ă©pines dendritiques », c’est-Ă -dire observer des milliers d’images 3D de neurones et cliquer chaque fois que j’apercevais une Ă©pine. C’était une grande dĂ©sillusion.

Leçon 1 : Quand je supervise, je fais en sorte de ne pas vendre un projet qui ne verra pas le jour. Je m’efforce d’être transparent sur le contenu et les tâches que l’étudiant devra accomplir. Cela peut sembler évident, mais c’est bien moins courant qu’on ne le pense.

Leçon 2 : J’ai également appris que chaque étudiant a des attentes différentes. Alors que j’ai détesté analyser des données, car cela me semblait répétitif et robotique, d’autres adorent.

Pendant mon Master en neurosciences, j’ai effectué trois projets de recherche.

Le premier à Groningen, où j’ai énormément appris. Mon superviseur de thèse a reconnu mon enthousiasme et m’a fait confiance, me soutenant pour que je devienne un chercheur indépendant. C’était extrêmement motivant. J’ai participé à toutes les étapes du projet : conception, collecte de données, analyse, rédaction du manuscrit, et j’ai reçu de nombreux retours constructifs, qui m’ont permis de progresser rapidement.

J’étais si investi que j’allais jusqu’à travailler les week-ends par choix (certains trouveraient cela honteux pour un étudiant en Master, mais bon c’était ma décision).

 Leçon 3 : Imaginez ma déception quand j’ai cru que les résultats étaient inexistants. Mon superviseur m’a alors dit : « Des résultats sont des résultats. Ne le prends pas personnellement. » Il avait raison : les résultats sont ce qu’ils sont, et il faut s’adapter, comme dans tous les aspects de la vie.

Finalement, ce projet a abouti Ă  mon premier article en tant que premier auteur.

Leçon 4 : Il m’a aussi enseigné l’importance de l’honnêteté et du respect mutuel en me disant : « Nous ferons tous les deux des erreurs. Soyons honnêtes et corrigeons-les ensemble. » Je transmets encore ce conseil à mes étudiants aujourd’hui.

Mon deuxième stage a eu lieu à Bordeaux. Le PI m’a assigné à une chercheuse qui essaye de me “micromanager”, toujours un oeil par derrière mon épaule pour être sûr que je suis bien là où je dois être et que je fais bien ce qui doit être fait.

Nous n’avons presque rien fait durant les trois premières semaines, mais un vendredi (alors que j’étais en vacances, avec l’accord du PI), j’ai reçu un message disant : « OĂą es-tu ? Je voulais faire des expĂ©riences aujourd’hui. » Cela bien que l’expĂ©rience nĂ©cessitait deux jours et qu’il Ă©tait donc improbable qu’elle commence ce vendredi-lĂ . Ce superviseur semblait vouloir tout contrĂ´ler et prendre, sans vraiment partager son expĂ©rience de chercheur. Ă€ moins qu’un Ă©tudiant ne demande explicitement un encadrement aussi strict, je le dĂ©conseille fortement.

Leçon 5 : Ne micromanage et ne cherche pas à contrôler pas tes étudiants. Leur projet est leur projet !

Enfin, j’ai effectué un stage de six mois à Melbourne, en Australie. Là-bas, le professeur m’a donné la liberté de concevoir mon projet et d’explorer mes intérêts. Cela a conduit à un chapitre de livre sur le stress intergénérationnel, récemment publié.

Leçon 6 : Quand un étudiant montre qu’il est prêt pour l’indépendance, il est crucial de lui donner la flexibilité et l’espace nécessaires pour qu’il puisse explorer.

Pendant mon doctorat à Wellington, en Nouvelle-Zélande, j’ai bénéficié d’une flexibilité similaire. Mes superviseurs étaient toujours disponibles en cas de besoin, tout en me laissant l’autonomie nécessaire pour grandir.

Leçon 7 : Mon superviseur m’a aussi appris quelque chose d’essentiel : « Le Master et le doctorat devraient être des périodes où tu prends plaisir à apprendre. Si tu n’apprécies pas ton doctorat, c’est qu’il y a un problème. »

Finalement, chaque étudiant a des besoins et des objectifs spécifiques. Chacun vient d’un parcours différent et vise une destination différente. Le rôle du superviseur est de guider l’étudiant pour l’aider à atteindre cette destination.

Ma vision de la supervision :

J’aime penser à une gare ferroviaire. Chaque étudiant arrive d’un lieu différent et se dirige vers une destination unique, suivant une direction qu’il a choisie. Mon rôle en tant que superviseur est d’aider et de guider l’étudiant pour qu’il atteigne sa destination, qu’il suive le chemin qu’il a tracé et l’encourager tout au long de ce parcours.

La première étape consiste donc à déterminer se rencontrer pour discuter. Pour cela, je rencontre l’étudiant afin de discuter de la direction qu’il souhaite prendre, de nos attentes réciproques, des objectifs que nous avons en commun, et de ses propres objectifs (par exemple, s’il cherche simplement à passer ou à exceller, car beaucoup d’étudiants veulent juste passer). Nous discutons également du « contrat psychologique » (Rousseau), qui inclut les engagements informels, les attentes et la compréhension de la relation entre étudiant et superviseur, ainsi que la manière dont nous allons communiquer. En tant que superviseur/mentor, je dois écouter, pas dicter.

Si le projet est dĂ©jĂ  plus ou moins dĂ©fini, je m’efforce de l’expliquer aussi clairement que possible, ainsi que les tâches dans lesquelles l’étudiant sera impliquĂ©. L’objectif est d’éviter la dĂ©sillusion, lorsque l’étudiant imagine quelque chose qui ne se rĂ©alise pas, ce qui arrive malheureusement trop souvent. Cela m’est arrivĂ© pendant ma licence, et j’ai dĂ©testĂ© le projet. Si le projet implique un travail rĂ©pĂ©titif et robotique, l’étudiant doit en ĂŞtre informĂ© Ă  l’avance afin de pouvoir prendre une dĂ©cision Ă©clairĂ©e. Certains Ă©tudiants prĂ©fèrent analyser des donnĂ©es, d’autres privilĂ©gient le travail expĂ©rimental…

Ma règle de base en matière de communication est : « Nous ferons tous les deux des erreurs pendant le processus. Nous formons une équipe et sommes là pour corriger ces erreurs ensemble, donc nous devons nous en parler quand elles se produisent. » J’ai remarqué que cela instaure la confiance et le respect, et permet au projet de bien avancer. À Bordeaux, j’ai entendu parler d’une doctorante qui n’avait pas osé dire à son superviseur que son projet n’allait pas bien et qu’elle avait des résultats négatifs. En conséquence, elle s’est retirée une semaine avant la soutenance de sa thèse…

Je pense donc que les étudiants sont suffisamment mûrs et matures, ou du moins sur la bonne voie. Généralement, les gens rigolent lorsque je dis cela, mais je crois que c’est vrai. Si vous traitez les étudiants comme des adultes responsables, ils le seront. Si vous les traitez comme des enfants, ils agiront comme tels. Je ne donne donc pas de deadline, à moins qu’ils ne les demandent, ni d’horaires précis, chacun arrivant lorsqu’il le désire. Les étudiants comprennent que leur projet leur appartient, pas à leur superviseur, et travaillent de leur propre chef pour le faire avancer.

« Leur projet est leur projet. » Je ne peux pas porter l’étudiant. C’est à l’étudiant de parvenir à sa destination par son propre travail. Toutefois, je peux fournir des conseils tout au long du processus et les outils adéquats pour que l’étudiant ne se perde pas. Je peux lui indiquer s’il est sur la bonne voie, s’il fait une erreur, ou s’il n’adopte pas le bon comportement dans une situation donnée. Cela dit, je ne dois pas non plus donner trop de liberté, car celle-ci peut paralyser. Si l’on a trop d’options, comme 100 pots de confiture à choisir, on ne peut pas décider. Cela peut entraîner la stagnation de l’étudiant. Inversement, le micromanagement est également à éviter, et l’étudiant doit gérer son projet en fonction de ses objectifs. Certains diraient que « 90 % du travail revient à l’étudiant, et 10 % à vos retours et à la manière dont l’étudiant y réagit ». Je ne serais pas aussi extrême, car il est clair qu’une bonne supervision tend à mener à des étudiants et des projets réussis. Toutefois, l’idée est de ne pas endosser la responsabilité et de ne pas être personnellement affecté si un étudiant ne travaille pas, à condition que vous ayez fait ce qui était nécessaire.

L’objectif est de permettre à l’étudiant de développer sa confiance, son indépendance et son autonomie. Pour y parvenir, je porte une attention particulière à l’étudiant. Certains deviennent indépendants rapidement, d’autres ont besoin de plus de temps. Certains peuvent réaliser une expérience après l’avoir vue une fois, d’autres auront besoin que je la leur montre dix fois ou plus. Les deux situations sont acceptables. En tant que superviseur, vous devez être présent jusqu’à ce que l’étudiant soit prêt à voler de ses propres ailes. Assurez-vous que l’étudiant se sente à l’aise avant de le laisser conduire seul. C’est important. De plus, il est essentiel d’apprendre à l’étudiant à réfléchir, à poser des questions, à oser les poser, et à devenir compétent dans la résolution de problèmes. Être indépendant ne signifie pas savoir faire les choses seul, mais savoir quand poser une question et demander de l’aide à la bonne personne.

La manière de donner des retours est également cruciale. J’aime donner beaucoup de retours, en fonction de l’avancement de l’étudiant. J’écris vraiment tout ce qui me vient à l’esprit pour que cela soit aussi bon que possible (en tenant compte de la vision de l’étudiant), et je précise aussi que ce sont des commentaires, qu’ils ne doivent pas tous être appliqués à 100 %, mais qu’ils servent de guide, et que l’étudiant peut les considérer ou les ignorer. Si nécessaire, je rencontre l’étudiant en personne pour expliquer, par exemple, comment écrire une introduction. Jusqu’à présent, il a toujours été nécessaire de se rencontrer en personne avant de donner des commentaires, car ceux-ci seraient trop flous et peu utiles. Donc, combien de retours donnez-vous et comment les donnez-vous ? Je supervise une doctorante qui adore la manière dont je donne des retours. Elle dit que c’est beaucoup, mais que cela l’aide vraiment à améliorer son travail, ce qui est, au final, ce que vous recherchez. Je me souviens de mon superviseur de thèse pendant mon stage à Groningen, qui m’a dit : « Je donne des retours pour t’aider à guider ton écriture, il n’y a rien de personnel là-dedans. » D’un autre côté, j’ai eu un superviseur à Melbourne qui écrivait des commentaires comme « WTF man ? » ou « Laisse tomber ce concept d’étudiant », ce qui est très différent, mais au final mène aux mêmes résultats.

Il faut donc être flexible et permettre à l’étudiant d’avancer par lui-même, tout en restant disponible si nécessaire.

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Cyprien

 

 

 

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